Délais de prescription
Les délais sont de durée différente selon le type de créance ou d'action: nous signalons ci-dessous les délais pour les créances (ou les actions) les plus usuelles.
Délai général: 10 ans (art. 127 CO)
Le Code des obligations pose une règle générale (art. 127 CO), selon laquelle toutes les créances se prescrivent par dix ans, sauf disposition contraire du droit civil fédéral. En fait, les exceptions prévoyant des délais de prescription plus courts sont légion.
Délai de 5 ans (art. 128 CO)
Se prescrivent par cinq ans :
- les loyers et fermages, les intérêts de capitaux et toutes autres redevances périodiques (par exemple : rentes, dividendes d’actions, redevance annuelle pour une licence) ;
- les actions pour fournitures de vivres, pensions alimentaires et dépenses d’auberge ;
- les actions des artisans, pour leur travail ; des marchands en détail, pour leurs fournitures ; des médecins et autres gens de l’art, pour leurs soins ; des avocats, procureurs, agents de droit et notaires, pour leurs services professionnels ; ainsi que celles des travailleurs, pour leurs services.
Délai relatif de 3 ans et délai absolu de 20 ans en cas de mort ou de lésions corporelles (art. 128a et art. 60 al. 1bis CO)
Ce nouvel alinéa a été introduit par la révision du droit de la prescription entrée en vigueur au 1er janvier 2020. Il concerne les cas de mort d’homme ou de lésions corporelles résultant d’une faute contractuelle et s’articule en deux temps. L’action en dommages-intérêts ou en paiement d’une somme à titre de réparation morale se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, par vingt ans à compter du jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé.
Le but de cette disposition était de résoudre la question des dommages différés, c’est-à-dire des dommages qui surviennent bien après que le fait dommageable ne se soit produit, comme les cas de cancers à cause de l’exposition à l’amiante. Avec plusieurs autres auteurs, Blaise Carron et Niels Favre (op.cit., p.21) ne sont pas certains que ce nouveau délai absolu permette de garantir le droit à un procès équitable des victimes de ce type de dommages, comme le demande la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Moor c. Suisse (voir à ce sujet les derniers paragraphes du chapitre Généralités de la présente fiche).
Des délais similaires sont appliqués pour l’action en dommages-intérêts ou en paiement d’une somme d’argent à titre de réparation morale en cas de responsabilité qui résulte d’un acte illicite (art. 60 al. 1bis CO). Dans ces situations, si le fait dommageable résulte d’un acte pénalement punissable et si le délai de prescription de l’action pénale est plus long, le délai de l’action civile est prolongé (art. 60 al. 2 CO).
Notons que sous l’ancien droit, les actions en réclamation de dommages-intérêts ou en paiement d’une somme à titre de réparation morale à la suite d'une faute contractuelle se prescrivaient par 10 ans. Si la responsabilité résultait d’un acte illicite, il y avait un délai relatif d’une année et un délai absolu de 10 ans.
Délai relatif de 3 ans et délai absolu de 10 ans (art. 60 al. 1 CO, art. 67 CO)
En cas de responsabilité pour cause d’un acte illicite sans préjudice corporel, la prescription des actions en dommages-intérêts ou en paiement d’une somme d’argent à titre de réparation morale s’articule aussi en deux temps. Elle se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé. Par rapport à l’ancien droit, le délai dit « relatif » a été allongé d'un an à trois ans. Dans ces situations également, si le fait dommageable résulte d’un acte pénalement punissable et que le délai de prescription de l’action pénale est plus long, le délai de l’action civile est prolongé (art. 60 al. 2 CO).
En cas d’enrichissement illégitime, le délai relatif a été allongé à trois ans. Le délai absolu reste à 10 ans (art. 67 CO).
Autres délais
- Le délai pour les actions en dommages-intérêts ou en réparation d’un tort moral en matière de circulation routière se prescrivait par deux ans sous l’ancien droit. Depuis le 1er janvier 2020, il se prescrit conformément aux dispositions du Code des obligations sur les actes illicites (art. 83 LCR, qui renvoie à l’art. 60 CO).
- Un délai de deux ans pour actionner le vendeur en garantie pour les défauts (art. 210 al. 1 CO); l'action se prescrit par cinq ans concernant les défauts de la chose intégrée dans un ouvrage immobilier (art. 210 al. 2 CO).
- Un délai de vingt ans pour la prescription d’un acte de défaut de biens (au sujet des actes de défaut de biens, voir la fiche : Poursuite pour dettes et faillite personnelle).
Ces divers délais de prescription indiquent combien de temps il convient de garder les preuves de ce qui a été payé (récépissés postaux par exemple) ou de ce qui est dû, ceci dans les cas "normaux"; si le délai de prescription est suspendu ou interrompu, il faut en tenir compte.
Début du délai de prescription
Le Code des obligations précise (art. 130 CO) que la prescription court dès que la créance est devenue exigible. Quand une créance devient-elle exigible ? Si rien n'est prévu dans la loi, par contrat ou par l'usage, une créance est exigible immédiatement (art. 75 CO). Pour les créances les plus usuelles, le début du délai de prescription est déterminé comme suit:
- pour les ventes et contrats d'entreprise (réparations d'appareils ménagers, travaux de peinture, par exemple), le prix est dû dès que la chose ou l'ouvrage est livré(e) (art. 231 et 372 CO). C'est donc la date de la livraison qui marque le début de la prescription, sauf si la facture stipule "payable à 30 jours". Dans ce cas, la prescription débute 30 jours après la date de la facture ;
- la prescription pour les prêts commence au jour stipulé par le contrat pour le remboursement. Si l'emprunteur s'est engagé à rembourser le prêt par mensualités, chaque tranche se prescrit séparément, dès la date où elle est exigible selon le contrat. Si aucune date ou aucun délai d'avertissement ne sont stipulés pour le remboursement et qu’aucune clause du contrat n’oblige l’emprunteur à rembourser à première réquisition, l'emprunteur doit rembourser le prêt dans les 6 semaines depuis la première réclamation du prêteur, réclamation qui peut intervenir en tout temps (art. 318 CO). La prescription court dans ce cas dès la fin d'un délai de 6 semaines après la remise du prêt (art. 130 al. 2 CO) ;
- pour les contrats de mandats (médecins, avocats, architectes, etc.), c'est la date de la facture qui est déterminante pour le début de la prescription ;
- pour les dommages-intérêts et pour le remboursement de ce qui a été payé indûment, la prescription, qui a été allongée à trois ans, ne commence à courir que lorsque la personne est en mesure de chiffrer son dommage. Cependant, cette clarification des faits doit être réalisée dans un délai de 10 ans, respectivement de 20 ans à compter du jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé. En cas d’enrichissement illégitime, le délai absolu court à partir de la naissance du droit.
Pour le calcul du délai, le jour à partir duquel court la prescription n'est pas compté (art. 132 CO). On compte ensuite les mois ou les années jusqu'au jour qui porte la même date. Si le dernier jour du délai est un samedi, un dimanche ou un jour férié, le délai est reporté au premier jour ouvrable qui suit (art. 78 al. 1 CO). La prescription n'est acquise que lorsque le dernier jour du délai s'est écoulé sans avoir été utilisé.
Suspension de la prescription
La prescription est suspendue dans les cas énumérés par le Code des obligations (art. 134 CO), notamment à cause de la nature des relations entre créancier et débiteur. Dans les situations suivantes, énumérées de manière exhaustive dans la loi, la prescription ne court pas ou est suspendue si elle avait commencé à courir:
- à l'égard des créances des enfants contre leurs père et mère, tant que dure l'autorité parentale ;
- à l’égard des créances de la personne incapable de discernement contre le mandataire pour cause d’inaptitude (curatelle), pendant la durée de validité du mandat ;
- à l'égard des créances des époux l'un contre l'autre, pendant le mariage ;
- à l’égard des créances des partenaires enregistrés l’un contre l’autre, pendant le partenariat ;
- à l'égard des créances des travailleurs contre l'employeur, lorsqu'ils vivent dans son ménage, pendant la durée des rapports de travail ;
- tant que le débiteur est usufruitier de la créance ;
- tant qu'il est impossible, pour des raisons objectives, de faire valoir la créance devant un tribunal ;
- à l’égard des créances et des dettes de la succession, pendant l’inventaire ;
- pendant les discussions en vue d’une transaction, pendant une médiation ou pendant toute autre procédure extrajudiciaire visant la résolution du litige, si les parties en sont convenues par écrit.
La prescription commence à courir, ou reprend son cours (dans ce cas le temps déjà écoulé avant la suspension est porté en compte et réduit d'autant la durée du délai), dès l'expiration du jour où cessent les causes qui la suspendent. Des dispositions spéciales existent en matière de poursuites pour dettes et de faillites.
Le nouveau droit de la prescription a modifié et élargi la liste initiale. En particulier, le fait de ne pas pouvoir faire valoir sa créance devant un tribunal suisse n'est plus un motif de suspension : la suspension n'est accordée que si le créancier n’a accès à aucun tribunal, suisse ou étranger, ceci pour des raisons objectives. Les nouveaux motifs de suspension concernent les dettes de la succession pendant l’inventaire et les tentatives de règlement extrajudiciaire.
Interruption de la prescription
La prescription est interrompue (art. 135 CO), c'est à dire recommence à zéro, lorsque:
- le débiteur reconnaît la dette auprès du créancier par divers actes: paiement d'acomptes ou d'intérêts, fourniture d'une caution, demande d'un délai de paiement ou d'un rabais, promesse de payer, etc. Toutefois, si le débiteur fait une simple demande de renseignement, ce n'est pas suffisant pour interrompre la prescription ;
- le créancier fait valoir ses droits par des poursuites, par une requête de conciliation, par une action ou une exception devant un tribunal ou un tribunal arbitral ou par une intervention dans une faillite.
Il existe une pratique utilisée par certains créanciers qui consiste à envoyer une réquisition de poursuites et à la retirer en même temps, à seule fin d’interrompre la prescription. Actuellement, la question de savoir si cette pratique des poursuites silencieuses interrompt valablement la prescription n’est pas tranchée. Ce qui pose notamment problème dans ce cas de figure, c’est que le débiteur ne reçoit pas de commandement de payer et n’est donc pas informé de l’interruption de la prescription. La même question se pose en cas de requête de conciliation aussitôt retirée.
La durée du nouveau délai est en principe identique à celle du délai interrompu. Toutefois, si la dette a été reconnue dans un titre ou constatée par un jugement, le nouveau délai de prescription est toujours de dix ans (art. 137 al. 2 CO).
Renonciation à soulever l'exception de prescription
Il est aussi possible, à certaines conditions, de renoncer à soulever l'exception de prescription (art. 141 CO). Le nouveau droit de la prescription a ajouté quelques limitations. La renonciation doit dorénavant se faire par écrit et doit à chaque fois être limitée à dix ans au plus. En outre, en ce qui concerne les conditions générales, seul son utilisateur peut renoncer dans celles-ci à soulever l’exception de prescription.
La renonciation à soulever l'exception de prescription prolonge le délai de la prescription de la durée de la renonciation.
Cas dans lesquels la prescription est sans effet
La prescription n'a pas d'effet dans les cas ci-dessous:
- une créance prescrite peut être exigée dans le cas où le débiteur réclame lui-même à son créancier le paiement d'une autre créance; ils sont tous deux à la fois débiteur et créancier. Les deux créances seront compensées (soustraites l'une de l'autre), pour autant que la deuxième ait existé avant que la première ne soit prescrite (art. 120 al. 3 CO ) ;
- si le créancier a perdu son droit de réclamer la créance à cause de l'attitude du débiteur qui a eu pour conséquence que le créancier n'a pas fait valoir son dû pendant le délai de prescription (par exemple, le débiteur a informé le créancier qu'il était sans moyens financiers, mais que sa situation devait s'améliorer). Ce serait alors un abus de droit (art. 2 CC) d'invoquer la prescription pour refuser de payer.
Transition entre l'ancien et le nouveau droit
L’ancien et le nouveau droit s’articulent de cette façon (art. 49 Titre final du Code civil):
- Lorsque le nouveau droit prévoit des délais de prescription plus longs que l’ancien droit, le nouveau droit s’applique dès lors que la prescription n’est pas encore échue en vertu de l’ancien droit ;
- Lorsque le nouveau droit prévoit des délais de prescription plus courts que l’ancien droit, l’ancien droit s’applique ;
- L’entrée en vigueur du nouveau droit est sans effets sur le début des délais de prescription en cours, à moins que la loi n’en dispose autrement ;
- Au surplus, la prescription est régie par le nouveau droit dès son entrée en vigueur.